La startup Osmo, dirigée par le neuroscientifique Alex Wiltschko, a franchi une étape décisive dans la transformation de l'univers olfactif avec le lancement de Generation, la première maison de parfums créée grâce à l'intelligence olfactive.
Cette plateforme utilise l'intelligence artificielle générative pour transformer des textes et des images en formules olfactives uniques, permettant de concevoir des parfums plus durables, plus sûrs et plus accessibles, même pour les marques indépendantes.
"Génération peut prédire et créer des molécules entièrement nouvelles, jamais senties auparavant, plus durables et capables de résoudre des problèmes que les matériaux existants ne peuvent pas surmonter, tels que la toxicité et la sécurité", explique Alex Wiltschko, fondateur et PDG de l'entreprise.
Fondée en 2023 avec le soutien de Lux Capital et de Google Ventures, Osmo associe science des données, neurosciences et chimie pour numériser l'odorat. Sa mission : démocratiser l'accès à la parfumerie et créer de nouvelles molécules odorantes répondant aux défis actuels de sécurité, de réglementation et de durabilité.
Avec Generation, l'entreprise promet de réduire les délais de développement, de diminuer l'impact environnemental et d'ouvrir une nouvelle ère pour l'industrie mondiale de la parfumerie. Accélérer la création de nouveaux parfums de manière plus efficace permettra de consacrer davantage de temps au processus créatif, précise l'entreprise.
Nous nous sommes entretenus avec Alex Wiltschko et Christophe Laudamiel, maître-parfumeur chez Osmo, pour en savoir plus sur les avancées qu'offre aujourd'hui Generation.
"Avec Generation, nous créons des parfums pour tous, à grande échelle. Nous construisons une usine capable de produire un nouveau lot de parfums toutes les 60 secondes", affirme Alex Wiltschko, fondateur et PDG d'Osmo.
La parfumerie a toujours été un art dominé par des parfumeurs disposant de nombreuses années d'expérience. Comment les parfumeurs ont-ils réagi à l'idée de travailler avec l'IA ? S'inquiètent-ils de voir leur rôle diminué ?
Christophe Laudamiel. L'IA modifie déjà notre façon de créer. Mais les grands parfumeurs, tout comme les grands architectes ou chefs, seront toujours recherchés.
L'IA améliore, accélère et affine, mais elle ne remplace pas l'intuition, l'art ni la capacité de créer quelque chose de profondément humain. Au contraire, elle élimine les angles morts et optimise les formules.
L'IA peut vérifier qu'un parfum n'est pas simplement la répétition de quelque chose d'existant. Elle peut trouver des raccourcis moléculaires qui remplacent cinq, six, voire davantage d'ingrédients traditionnels par un seul ingrédient à haute performance. La magie opère lorsque les machines et les nez humains travaillent ensemble.
Le travail du parfumeur devient de plus en plus puissant grâce à cet ensemble d'outils proposé par Generation.
À moyen terme, quel niveau de développement espérez-vous atteindre avec Génération ?
Alex Wiltschko. Nous avons terminé notre premier chapitre. Nous avons constitué une équipe et réussi à numériser l'odorat en laboratoire.
Le prochain chapitre, c'est Generation. Nous créons des parfums pour tous, à grande échelle. Nous construisons une usine capable de produire un nouveau lot de parfums toutes les 60 secondes, à l'aide de système robotiques.
Generation permettra de mettre la conception et la production de parfums à la portée du plus grand nombre, entreprises comme particuliers. Nous concevrons et créerons les souvenirs olfactifs du prochain siècle.
Nous savons également que la numérisation de l'odorat a de nombreuses implications pour la santé et le bien-être humains, qu'il s'agisse de détecter des maladies, des substances environnementales nocives ou de repousser des insectes nuisibles.
Bien que le travail de Generation dans le domaine de la parfumerie reste actuellement notre priorité, nous savons qu'en continuant d'optimiser notre technologie, tant avec Generation qu'avec Osmo, et en élargissant notre corpus de recherches, nous ouvrirons des portes susceptibles de changer à jamais l'avenir de la santé et du bien-être humains.
L'un des grands défis du monde de la parfumerie est la reproduction précise de certains arômes naturels. Pensez-vous que l'intelligence olfactive permettra de recréer des arômes perdus au cours de l'histoire ?
Alex Wiltschko. L'un des aspects les plus puissants de l'intelligence olfactive est sa capacité à cartographier et à comprendre les odeurs à un niveau fondamental. Cela signifie que nous pouvons recréer l'expérience olfactive de parfums que les gens ont autrefois aimés, mais qu'ils ne peuvent plus sentir, que ce soit en raison de l'abandon d'ingrédients, de changements réglementaires ou de la perte de formules.
Cependant, Generation n'a pas pour vocation de fabriquer des imitations. Au contraire, nous utilisons cette capacité pour réimaginer ces parfums d'une manière fidèle à leur essence, mais avec une vision tournée vers l'avenir, en appliquant de nouveaux ingrédients et de nouvelles technologies pour les faire renaître d'une manière moderne et durable.
Fragrances du passé : le pouvoir du parfum en Égypte et en Grèce
Lorsque nous évoquons l'héritage des grandes civilisations de l'Antiquité, nous pensons souvent aux pyramides et aux temples. Mais l'odorat a également joué un rôle fondamental dans l'expérience culturelle de ces peuples. En Égypte comme en Grèce, les parfums n'étaient pas seulement des symboles de statut, mais aussi des vecteurs de spiritualité et d'art. Grâce à de nouvelles recherches archéologiques, nous savons aujourd'hui que le parfum imprégnait la vie quotidienne de ces civilisations, de l'embaumement des morts à la vénération des dieux à travers des statues parfumées.
Dans l'Égypte antique, les senteurs faisaient partie intégrante du rituel funéraire. Une étude menée par l'université de Ljubljana et l'University College London a révélé l'incroyable "palette aromatique" de neuf momies conservées au musée égyptien du Caire.
Grâce à des techniques non invasives telles que la spectrométrie de masse et la chromatographie en phase gazeuse, des arômes boisés, épicés et sucrés ainsi que des traces d'encens, de fleurs et de thé noir ont pu être identifiés. Ces senteurs proviennent à la fois des ingrédients d'origine utilisés pour la momification (résines, cires, huiles) et des traitements postérieurs. Loin du mythe de la puanteur de la décomposition, les momies égyptiennes évoquaient une aura parfumée, reflet du statut et des rituels de ceux qui avaient été soigneusement préparés pour l'éternité.
Une autre étude récente a montré que les sculptures grecques étaient imprégnées de parfums. Selon des recherches publiées dans l'Oxford Journal of Archaeology par l'archéologue danoise Cecilie Brøns, les statues des dieux et des personnages illustres étaient ornées non seulement de couleurs et de bijoux, mais aussi d'huiles parfumées.
Des textes d'auteurs classiques tels que Cicéron, Callimaque et Pausanias décrivent des pratiques telles que la ganose, qui consistait à appliquer des mélanges de cires et de parfums sur les sculptures, leur offrant protection, éclat une expérience olfactive immersive dans les contextes religieux ou cérémoniels.
"C'est fantastique lorsque, en tant que chercheur, on découvre quelque chose de nouveau qui nous rapproche des peuples du passé. Comment vivait-on dans la Grèce ou la Rome antiques ? Ici, les sens apportent quelque chose d'absolument unique, car ils permettent un contact immédiat avec le passé. L'odorat, en particulier, exerce une grande influence sur le comportement, les interactions sociales et peut profondément transformer l'expérience des sculptures", explique Cecilie Brøns.
Les sculptures étaient conçues pour ressembler à des personnes vivantes et le parfum était un moyen de les rendre plus réelles, explique l'archéologue. À quoi pouvaient donc ressembler leurs senteurs ? Selon Cecilie Brøns, les roses étaient omniprésentes dans toute la région méditerranéenne, et des sources écrites documentent la fabrication d'essence de rose, faisant de ce parfum une senteur très probablement courante.
Les sculptures étaient conçues pour ressembler à des personnes vivantes et le parfum était un moyen de les rendre plus réelles, explique l'archéologue Cecilie Brøns.
Grasse en fleurs : la Fête de la Rose en mai
Chaque printemps, la ville de Grasse, capitale mondiale du parfum, se pare de ses plus beaux atours pour rendre hommage à l'une des fleurs les plus emblématiques : la rose. Lors de la Fête de la Rose, ExpoRose, cette charmante cité de la Côte d'Azur se transforme en un immense jardin sensoriel, débordant de senteurs, de couleurs et d'oeuvres florales.
La 53e édition se tiendra du 8 au 11 mai 2025 sur le thème "Vibrations artistiques". Plus de 25 000 roses coupées, 8 500 bouquets et 13 000 rosiers viendront décorer fontaines, rues et places. L'atmosphère sera animée par des spectacles, des concerts, des ateliers et des expositions dédiés à l'art floral et à la parfumerie.
En plus des installations florales, le festival propose un marché animé où les visiteurs peuvent acheter des rosiers, des produits artisanaux à base de roses, allant des confitures aux cosmétiques. C'est également une occasion idéale de découvrir les secrets de la parfumerie traditionnelle de Grasse, une industrie forte de plusieurs siècles d'histoire.
ExpoRose célèbre non seulement la beauté de cette fleur, mais aussi le savoir-faire et la créativité locale. Un événement qui réunit nature, art et tradition, faisant de Grasse une destination incontournable pour les amateurs de fleurs, de parfums et de culture provençale.