« Aux confins du désert occidental de l'Australie, les arbres de santal, vénérés depuis des siècles par les communautés locales, subissent la chaleur d'un soleil implacable.
Lorsque le bois est transformé pour extraire son huile parfumée, il est découpé en copeaux qui parcourent le globe jusqu'à Oman, où leur pouvoir de transformation infuse le concentré de parfum. Cette étape exige du temps, mais, par nature, ces copeaux savent patienter. » C'est ainsi que décrit la maison Amouage le lent art d'obtenir l'essence de santal parfaite.
Crémeux, lacté (actrice centrale de la tendance aux notes lactées), doux et réconfortant, le santal s'invite aujourd'hui dans des parfums de tous styles : des créations unisexes et de niche jusqu'aux lancements internationaux les plus ambitieux.
Le santal, quand le temps devient parfum
Plus qu'un simple arbre à bois précieux, le santal (Santalum) est un gardien du temps : son arôme perdure pendant des décennies, faisant de lui un trésor depuis l'Antiquité.
Sa croissance lente et sa surexploitation l'ont mis en danger, ce qui a conduit à sa protection et à la recherche d'alternatives, comme le santal australien (Santalum spicatum). Aujourd'hui encore, il reste un ingrédient essentiel de la parfumerie, souvent accompagné de substituts synthétiques issus de la chimie verte pour soulager la pression exercée sur les forêts.
« Santal, bois d'aloès, résine d'encens : ces senteurs fondatrices ont laissé dans la parfumerie une empreinte si ancienne et si profonde qu'elles en sont devenues mythiques », écrit Dominique Roques dans Le chercheur d'essences.
Présent dans l'hindouisme, le bouddhisme et l'islam, le bois de santal accompagne depuis des siècles des rituels religieux, médicinaux et artisanaux. En Inde, il s'inscrit dans le quotidien : parfums, savons et onguents qui évoquent la pureté et le lien au divin.
L'alchimie du santal
Sa magie réside dans les santalols, molécules qui confèrent au santal ce parfum crémeux, laiteux et légèrement boisé. À petites doses, ils stabilisent les notes volatiles et adoucissent la composition.
« Sa capacité à s'associer à d'autres bois dans un parfum masculin, apportant force et texture à l'accord boisé, ou, dans un parfum féminin, à prolonger le bouquet floral grâce à l'onctuosité du santal, le rend unique. Ce sont les notes d'accompagnements qui déterminent la facette du santal mis en valeur », explique Gregorio Sola, parfumeur senior et directeur créatif chez Puig, et titulaire de la Chaire de Santal de l'Académie du Parfum (Espagne).
« Chez Amouage, nous utilisons environ 700 ingrédients et une trentaine de bois naturels différents, dont le santal. Il peut venir de Mysore, mais nous nous approvisionnons aussi largement en Australie », déclare Renaud Salmon, directeur de la création chez Amouage.
Il insiste sur le fait que la traçabilité et le travail avec des fournisseurs fiables sont essentiels pour garantir la durabilité.
"Sa capacité à se combiner avec d'autres bois dans un parfum masculin, en ajoutant force et texture, ou à prolonger le bouquet floral dans un parfum féminin, fait du bois de santal un ingrédient unique", explique le parfumeur Gregorio Sola.
Comment obtient-on l'huile essentielle de santal ?
Le santal est récolté vers l'âge de 25 à 30 ans, lorsque le bois de cœur est bien formé et riche en composés aromatiques (notamment l'alpha et le bêta-santalol). En Australie, les cycles sont un peu plus courts, mais l'arbre n'est jamais exploité avant l'âge de 15 ans.
Comme pour toute matière première naturelle, l'origine, la culture et la transformation déterminent la qualité : plus l'arbre est jeune, plus l'essence est laiteuse. Contrairement à d'autres bois, la racine, concentrant une grande partie de la fragrance, est aussi utilisée.
Après la récolte, le bois est trié : seul le bois de cœur (sombre et dense) est conservé, l'aubier plus clair étant éliminé. Le bois est ensuite haché, séché et distillé à la vapeur : les composés aromatiques sont libérés, donnant une huile de couleur ambre pâle, crémeuse, balsamique et persistante.
"Nous transformons le bois en petits copeaux que nous incorporons à hauteur de 5 % dans le concentré de parfum. Avant de le mélanger à l'éthanol, nous le laissons infuser pendant six mois. Au terme de cette période, nous filtrons pour séparer les copeaux et la poussière. Le concentré est alors déjà enrichi de l'essence du santal", explique Renaud Salmon à propos du procédé utilisé par Amouage pour sa ligne Les Essences.
Chez Amouage, rien ne se perd : « C'est un bois précieux, et le jeter serait impensable », ajoute Renaud Salmon. Les copeaux restants sont réutilisés comme bukhoor, ces petits morceaux brûlés au Moyen-Orient pour parfumer les espaces.
Le parfum du calme
Le bois de santal connaît une seconde jeunesse, portée par la quête du bien-être et de l'équilibre émotionnel. Son aura sacrée s'accorde parfaitement à l'essor des parfums qui invitent au calme, à l'introspection et à la connexion intérieure.
« Dans les parfums contemporains, il apporte caractère, texture et persistance. Ce bois puissant se combine pourtant très bien à des notes florales, aromatiques, vanillées ou ambrées », explique Gregorio Sola.
Si vous aimez le bois de santal, appréciez sa chaleur dans des parfums tels que :
Chanel Bois des Îles, pionnier dans l'utilisation du bois de santal.
Guerlain Samsara, un hommage à cette matière première, associée au jasmin.
Hermès Santal Massoïa, une rencontre entre le santal de Nouvelle-Calédonie et le massoïa de Nouvelle-Guinée.
Le Labo Santal 33, icône moderne avec du santal australien, cardamome, iris, violette, cèdre et cuir.
Diptyque Tam Dao, hommage aux forêts sacrées du Vietnam, combinant l'onctuosité du santal avec cyprès et myrte.
Acqua di Parma Sandalo, mélange opulent associant santal à des notes de bergamote et de cardamome.
Tom Ford Santal Blush, exotique et épicé, avec ylang-ylang, cannelle et santal.
Carolina Herrera Sandal Ruby, fusion passionnée de tubéreuse, lait et santal.
Amouage The Essences, double infusion de santal en fûts de chêne.
Trudon Mystique, aux essences ancestrales de oud et de santal.